Rendez-nous les pigeons voyageurs, sinon le cargo d’Axel Bauer !

C’est la réflexion que la relecture « du texto nuit » m’a suggérée. On ne parle même pas du contenu en cet instant. La seule analyse visuelle donnant un premier niveau de décryptage que l’on peut qualifier d’accablant. De lourds pavés de texte que trois généreux coups d’index ne permettent pas de scroller totalement. Le tout bien vert et le vert c’est moi. L’autre, c’est le bleu et dans le cas présent il s’est inversement proportionnellement peu exprimé. Un petit ilot central égorgé par des plaques tectoniques qui, je le découvre à cette heure, dit : « Oh que oui ! »
Message totalement passé inaperçu. Je note qu’il s’est imaginé répliquer « en trois ». Les hommes ont définitivement un esprit cartésien dans un corps chien. Comment ce « oh que oui » aurait-il pu contenir une telle déferlante ? Autant demander à un Tsunami de faire demi-tour. Il faut maintenant faire face, se relire et laisser l’onde sismique de la honte vous irradier. Dès la première ligne on peut décréter le hors sujet : « Je suis toujours chez Capu ! »
Je remonte un peu plus haut, et pas de trace de demande de ma localisation. Le questionneur imaginaire est bien curieux puisque j’embraye sur: « Je sais pas trop si je bouge ensuite, pour l’instant on est bien et on se marre… »
On ne m’a donc pas demandé où j’étais alors où je vais…et ça continue : « Figures-toi qu’il m’a pris de vouloir coiffer tout le monde et de faire à tous les convives mon chignon coque même aux hommes avec peu de longueur (de cheveux) »
Stop ! Bon là ça passait encore. Un petit smiley aurait été d’un luxe inouï, qui, si ne permettant pas de justifier la suite, aurait eu le mérite d’encourager le récit, à ma décharge. Mais je n’ai pas vraiment l’air d’avoir besoin d’encouragement à ce stade. Une kamikaze qui saurait tout faire péter avec un doigt, de l’imagination et quelques verres.
Ça continue donc de se dérouler autant que je rétrécis : « Certains se sont révélés par le chignon, Gui le porte à merveille, mieux que moi et ressemble à Mozart devant son clavecin, pour un peu j’entendais le son ! C’est con mais en voyant cela je me suis demandée s’il était pas temps pour moi de passer à autre chose, capillairement parlant ! Un croisement de Marie Antoinette et Coneheads, tu sais ce film où des créatures se nourrissent de boulons et du contenu des sacs d’aspirateurs »
Aïe aïe aïe, au delà du fait que je m’imagine bouffer des clous, je réalise que je pose des questions existentielles sur la vie de monstres fantastiques. Je dirais que là suis passée de l’autre côté de la barrière. Comme si j’avais loupé le panneau « chien méchant ». En même temps me suis toujours dit que ça pouvait aussi ne cacher qu’un chiwawa dont on refreinerait la colère et la dalle avec une chips.
Et c’est ainsi que sur ces solides bases de confiance à pouvoir captiver l’interlocuteur, le monologue se poursuit : « On a super bien dîné mais j’ai faim. Ça creuse la coiffure ou peut-être les chorégraphies battle Scarlatti/ Moz’Art ! Bref je vais pas tarder à rentrer et me préparer un petit bol de coquillettes au lit mmmmh wanna come ? »
Halte là ! Quinte flush royale à la connerie, on la tient solidement en main et on compte bien la jeter d’un air faussement blasé.
10 de cœur : penser entretenir un dialogue avec un tierce qui ne demande rien, ne commente rien, n’encourage rien.
Valet de cœur : tenir le monologue sur une distance dépassant les dix lignes et dans lequel on se fourvoie avec des anecdotes compréhensibles et risibles par leurs seuls protagonistes.
Reine de cœur : Euuhhh … c’est moi ? Jouant de la viole et dégustant du laiton.
Roi de cœur : homme de pouvoir ayant d’autres chat (tes) à fouetter que de s’épancher dans des dialogues de sous.
As de cœur : Le meilleur coup que puisse abattre la reine, et, ou voulant et croyant s’adresser à son amie Lady Marie (sa boîte à lettre jouxtant celle du King), emprunte le messager du roi qui, de fait, reçoit ces affreuses lignes qui ne lui étaient absolument pas destinées :
« Mon poussin tu es rentrée toi ? J’avais bien envie de voir l’autre dieu du cul mais les coucheries de premier soir ne générant que peu de respect, vais me faire un bon plat de nouilles à défaut d’en palper… il doit être encore fourré je ne sais où, je te call demain bisous ☺ »
Le roi est aussi un être pragmatique qui toujours choisira de sacrifier sa chienne pour plus noble causette :
« Chère Valentine, je t’aurais bien invitée à dîner ce soir mais tu as peut-être eu la main lourde sur…les pâtes et donc plus trop faim ? ☺ Une soirée avec Dieu ne se refusant pas dis-moi juste oui. PS : j’ai très envie, et hâte que tu me racontes comment ça se passe à la cour du roi et désolé mais hier à 5h, étais fourré … dans mon lit, je t’embrasse a dem1 ☺ »
Je me liquéfie. Je ne sais pourquoi mais Axel Bauer se met en branle dans ma tête comme une petite voix off ricanant de cette formidable bévue. Qui a dit que le ridicule ne tuait pas ? Il ne rend pas plus fort non plus, croyez moi. Je me sens dans un état d’extrême faiblesse et rêverais de rentrer dans un dé à coudre qu’on satelliserait sur Mars. Cela n’étant pas une option et forte de la conviction que l’irrattrapable s’absorbe parfois mieux dans la surenchère n’enverrais-je pas ma version du Cargo de nuit ?
Je croyais pouvoir bien gérer
J’me suis bien fait calmer,
C’est là qu’il faut payer
Texto de nuit !
Quand face à face on va dîner, j’préfère même pas y penser…