Dans cigarette, il y a « arrête », ça n’est pas pour rien. Comme le virus est inoculé dans le vaccin, le ver dans le fruit, et toujours aussi la connerie dans l’intelligence, nous ne sommes pas moins de 1 milliard d’individus à jeter fortunes et poumons aux chiens.

A peu de choses près, rien ne nous arrête. Je ne suis pas certaine que ceux qui ont les moyens fument beaucoup plus ou mieux. Quand à ceux qui n’en ont pas, il ne fument pas significativement moins, ils priorisent c’est tout. C’est aussi et finalement le seul vice sur lequel on trouve un niveau de qualité de produit plus ou moins égal et nul.

Alors que les drogués peuvent crâner avec une bonne skunk ou coke, versus un pollen bas de gamme ou du crack, il en va un peu de même pour les alcooliques qui peuvent s’illustrer au travers d’un bon malt, contre une gnole quelconque, pour le même bonhomme assis par terre à l’extérieur de la boutique. Le fumeur, lui, qu’il soit trader ou clodo, est toujours pauvre de la tristesse de sa tige, et surtout de son état qui n’est en rien modifié.

Et c’est ainsi que les drogués dansent, les alcoolos chantent et les fumeurs…fument ! On a ensuite tout un gang de couilles molles qui touche un peu à tout mais n’excelle dans rien.

Alors brève parenthèse mais néanmoins nécessaire : loin de moi l’idée de donner leçons ou solutions. Ce serait comme faire croire que j’ai inventé la roue au 21e ! Je pense juste que nous pouvons travailler notre perception et la reprogrammer sur les ressorts combinés de l’humour et de la honte. Car on s’accordera pour dire que l’insouciance se délite. La peur, elle ne fait plus franchement peur. La philanthropie ça se contourne. Quant à la responsabilisation, il suffit de tourner la tête pour la laisser filer et dire qu’on ne l’a pas vue, ou mieux, qu’on était pas là, imparable…

Car il y a tout de même quelque chose qui me saute aux yeux, c’est notre capacité à revendiquer notre liberté, se faire croire que l’on se bat pour elle, et, dans le même temps, pouvoir se faire traîner dans le goudron, payer pour, et remercier ! Une belle illustration biblique du concept de tendre l’autre joue quand on a reçu la première gifle. Nous sommes tels des moutons déguisés en aficionados, et le martyr du tabac, nous le vivons tous les jours à pleins poumons sans broncher alors qu’on s’insurge plus volontiers pour une queue de poisson.

Pour une fois il serait opportun d’avoir l’instinct de vengeance et ses curseurs au bon endroit.
Mais à y regarder de plus près l’industrie du tabac contient son propre message. Alors certes, entre les lignes, mais nous ne sommes pas pris en traîtres, en cons plus vraisemblablement.

Halo de lumière sur quelques paquets de cigarettes si vous le voulez bien :
Marlboro, le plus emblématique. Ils ont glissé un « r » entre le « a » et le « l »pour que le « mal » soit écarté mais la petite lettre n’empêche rien, pas même elle ne se prononce d’ailleurs. Ils n’ont du coup pas eu le toupet de mettre un « u » après le « o » pour bourreau. Qu’importe on ne peut s’empêcher de rester sur cette idée que ça a de la gueule d’incarner John Wayne sur son cheval en Arizona. Problème, on les fume aussi à Paris. Et que nous propose t-on du coup ? Un rodéo sur des poneys en bois à la défense ?

On continue sur les Gitanes : Ah Ah ! Pas évident ? Non, juste un peu plus vicieux. Nous avons donc « gît », du verbe gésir et l’âne, l’animal. Soit un âne mort. Ça se passe de commentaires, mais peu valorisant pour qui les fume. Pareil, on oublie la danseuse le flamenco. Morte. Depuis le temps qu’elle dansait dans son nuage de fumée façon nappe de brouillard, elle aura eu beau agiter l’éventail, c’est un extincteur qu’il eût fallut. On se concentre désormais plutôt sur l’image d’un amoncellement de mules mortes et macérées car ayant trop fumé, leurs carottes calcinées de ça de là plus ou moins bien placées… Le rêve ça n’est qu’une idée. Le cauchemar une réalité.

Philip Morris RAS ? Pas si sur car pas loin on a Peter Stuyvesant Mmmmhhh petit frottement d’index ? Frotti Frotta d’idées plutôt, je les vois très bien avoir été copains de fac. Deux petits cons pas bêtes qui ne foutaient pas grand chose, ni ne s’illustraient dans des cursus dit « classiques » mais qui pensaient, à raison, que ça n’était pas incompatible avec le désir d’avoir la belle vie. Le binôme n’ayant par ailleurs pas le cran de verser dans le crime, trouva cette voie pacifiste de faire mourir autrui sans en avoir à payer le prix mais surtout, de se mettre de la fresh plein les fouilles. Pari réussi : il se tirent aujourd’hui une bourre éhontée sur étals des buralistes. Ils ont toujours dans leurs sabots le poney de John Wayne mais la course reste confortable.

Doit-on alors considérer que l’intelligence est quand même de l’intelligence lorsqu’elle est mise au service de mauvaises choses ? Je le crois, c’est juste que ça ne va pas dans le bon sens.
Pas loin d’eux, eut un temps traîné Alain Delon mais il se fait désormais plus rare en occident. La retraite, l’envie de soleil, de lâcher la bride, et à nous, la grappe. Il a préféré s’exporter dans des contrées chaudes et lointaines où les jeunes filles l’achètent non pas pour le fumer mais pour le vénérer. Ultime reconversion, ou quand la puissance du mythe fait oublier que, ce que le temps fait de nous, est d’une implacable violence.

Si le beau brun qui roucoulait avec Romy au bord de la piscine s’imaginait finir en une sorte de Tamagoshi ! La vie est inattendue, c’est aussi un peu pour ça qu’on l’aime. Chez nous, fumer des Alain D. c’est considéré comme naze, sauf à se retrouver en rade de clopes à 2h du mat où on pourrait même tirer sans vergogne sur des « Guy George ». Sa tête à l’avant du paquet et au dos ? Son palmarès indiquant que fumer vous promet la même fin.

Imaginez-vous débarquant au tabac et demandant une bière, un Guy George et deux Anes Morts. Si la puissance du marketing combinée à la moutonnerie de l’adolescence a pu nous aider à démarrer, le chemin inverse doit bien exister ? Comprenant et assumant que ce chemin serait possiblement une côte bien raide. Quand on ne fait que dévaler des pentes depuis x années il faut quand même s’attendre à morfler un peu sur la remontée non !? Néanmoins, les jeunes s’essayant à démarrer seraient foutus de trouver ça « cool » de draguer une Emile Louis au bec. On a rien conceptualisé de plus bête que « la tendance », elle donne un os a ronger en permanence mais pas des dents neuves.

Car c’est de cela dont il s’agit : de l’absurdité de se faire du mal pour faire bien. Je trouve que le ridicule est finalement un excellent moteur à la remise en question.

Louanges à tous les saints, Marisol Touraine a travaillé très dur pour accoucher de la proposition du paquet blanc. La brave femme est dans la compréhension du vice un peu comme Keith Reichards pourrait être dans celle de la vertu, c’est à dire pas à la meilleure place. Je serais d’avis qu’elle planche plutôt sur une prime à la « clams ». En attendant investissons ce que ce que nous ne fumons plus pour avoir le « Merit » d’aller voir Alain sous les cocotiers, faire des « Lucky Strike » avec la tête de « Peter & Philip », prendre du bon temps sans voir le « Mal » partout car on ne le dit jamais assez non plus, fumer … pue.